Miracle de Noël

Je viens écrire ici sur la pointe des pieds, sur le bout des doigts… Je cherche mes mots depuis des jours… Comment vous raconter ce qui bouleverse nos vies depuis dix jours maintenant… Et je sais si bien ce que l’on ressent en découvrant ce genre d’article dans son appli WP, ce terrible pincement au cœur, une partie de moi le ressentira toujours quoi qu’il arrive. Parce que je sais aussi que rien n’est gagné, que tout est si fragile.

Sans le deviner, sans y penser, sans y croire une demi-seconde, je suis devenue une Gertrude. Au moment le « moins approprié » par rapport à mes projets pro & persos de nullipare qui s’assume. Au moment le plus incroyable. Au moment où je n’y croyais vraiment plus. Après avoir brûlé les pages de mon carnet pour me libérer d’un passé trop lourd et douloureux, après avoir tourné la page de la PMA « conventionnelle », après avoir arrêté d’y penser… C’est tellement cliché, j’en ai bien conscience, mais que dire? Les statistiques, la chance, la roue qui tourne… Je refuse catégoriquement d’entendre parler de « lâcher prise » et autre soi-disant explication psychologique, que j’ai pourtant déjà entendue à deux reprises depuis la découverte du Miracle. Je suis furieuse que des gens puissent penser ça sérieusement, sans prendre en compte nos antécédents, nos problèmes de fertilité avérés, le lourd parcours que nous avons vécu – et qui est encore loin d’être terminé, même si nous avons franchi un cap qui nous était resté inaccessible jusqu’ici malgré tous nos efforts et ceux des médecins. Cette volonté de tout simplifier jusqu’à l’absurde, le fameux « c’est dans la tête » qui nous empoisonne et nous culpabilise de la pire des façons.

Retour sur ces derniers jours, un enchaînement incroyable d’événements et d’émotions… Déjà, le contexte: cette semaine était ma dernière semaine de boulot, j’avais ensuite prévu 3 semaines de vacances bien remplies (plongée en Egypte avec une copine, séance massage-balnéo en amoureux, journée dans un parc aquatique, séance tattoo n°1/3 pour mon dos, et quelques jours en famille avec Loulou).

Vendredi dernier, je me décide à faire un test urinaire pour me « rassurer » sur un cycle qui traîne en longueur – J40 ça commence à faire long. Vu que j’avais prévu d’avoir mes règles avant de partir plonger, et que la minuscule bulle d’espoir commençait à me titiller, j’ai voulu couper court à tout ça et je me suis résignée à acheter ce que je m’étais jurée de ne plus jamais acheter. Pipi du matin, un peu stressée quand même, et là, premier choc: une croix bien bleue, bien foncée, apparue instantanément. Le bug dans ma tête. Passé le moment de sidération, j’appelle fébrilement le secrétariat de Hope – fermé à 7h du mat, puis celui de mon médecin traitant – ouvert lui. On me donne un RDV pour lundi (une éternité), mais je peux aller faire une PDS sans ordonnance dès ce matin. Loulou dort encore, je vais le réveiller: « on a un problème ». Le choc, toujours. Petit dej rapide, tour au labo (un bleu au passage, la vieille n’a pas changé mais elle est gentille et y croit à fond…), puis journée hagarde au bureau… Le premier taux tombe au retour du déjeuner: 8399 UI/L… Je harcèle la secrétaire de Hope, elle me dit de refaire une PDS mardi et de rappeler ensuite. Nous sommes dans un drôle d’état, Loulou et moi. Mes projets sont tous en suspens, mes collègues insistent pour une soirée picole pour fêter mon départ, j’ai tout le temps envie de dormir, je ne sais plus où j’en suis…

Lundi, mon médecin la joue à la cool. Il parle de lâcher prise. Je l’aime bien mais là ça m’énerve. Il me dit de partir en vacances, tranquille, de toute façon au pire il y aura une FC sous forme de règles abondantes et voilà. Je sors de son cabinet mi-rassurée, mi-énervée.

Mardi matin, deuxième PDS, deuxième taux: 17347 UI/L. Apparemment le miracle s’accroche. Nous décrochons un RDV avec Hope vendredi pour une première écho. Je plane, j’angoisse à mort. J’annonce à ma copine que la plongée est compromise, elle boude un peu.

Les jours passent, je parviens à siroter un jus de framboise au milieu des tournées de bière de mes collègues, j’apprendrai par la suite qu’ils ont trouvé ça bizarre mais n’en ont rien dit. En même temps, qui tombe enceinte au moment de changer de boulot hein ?! Le tourbillon des derniers jours me permet de ne pas trop cogiter, même si je passe quelques heures sur Goo*le à chercher des infos pertinentes foireuses.

Vendredi, dernier jour au bureau, je m’éclipse discrètement en début d’aprèm et rejoint Loulou dans le RER. Nous n’avions pas prévu de retourner là-bas si tôt. La vie nous joue des tours… Une bonne heure d’attente – normal. Puis c’est notre tour. Grand sourire, Hope est en forme, comme d’hab. Je suis vraiment contente de la voir, je lui fais tellement confiance. On enchaîne rapidement sur l’écho, avec Loulou cette fois (un peu choqué en voyant la sonde, et impressionné par le « matos »). Rapidement elle nous montre les images. C’est incroyable. Il y a bien une petite chose là-dedans… Et d’un coup, elle met le son et nous entendons son cœur… Le Miracle a un cœur qui bat, il mesure 6 mm, et il a été conçu à Noël… Une larme coule, un sanglot, Loulou serre fort mon épaule. Retour au bureau, elle imprime un « calendrier de grossesse » et nous parle de maternité, de suivi gynéco… J’ai du mal à suivre, c’est surréaliste. Elle envoie un texto au chirurgien qui m’a opérée en mars dernier, pour lui dire que « ça marche, les opérations! ». Tout reste cependant très fragile, nous en sommes bien conscients. J’ai droit à un cocktail pour prévenir au mieux le risque de FC: vitamines pré-natales avec haute dose d’acide folique, corticoïdes et Aspegic nourrisson pour contrer les anticorps thyroïdiens, et de la progestérone pour limiter les contractions (avec l’adénomyose qui n’aide pas). Et consigne de rester tranquille, pas de voyage, et attention à la toxo. Si tout se passe bien, nous ne la reverrons pas…

Nous flottons dans une bulle, entre bonheur et angoisse. Je n’arrive pas vraiment à me projeter, j’ai trop peur que tout s’arrête. J’ai beaucoup de mal à y croire. Lundi j’en serai à 7 SA, je dois caler une écho de contrôle dans trois semaines puis la fameuse écho des 12 SA vers le 05/03. Je dois aussi appeler mon endocrino, pour augmenter la dose de Levothyrox. J’ai annulé mon séjour en Egypte, et je vais revoir en détail mon agenda pour décaler les autres activités incompatibles avec mon « état » du moment. Dans trois semaines je commence mon nouveau boulot, je ne sais pas où nous en serons d’ici là, je vis les jours l’un après l’autre, sans rien prévoir, l’avenir me semble si incertain, si flou…

Je suis montée dans le train alors que je n’étais plus dans la gare. J’ai l’impression d’être une passagère clandestine, je regarde avec envie les places assises en rêvant de m’y installer confortablement… Nous n’avons jamais été si proches de notre rêve, mais savoir que tout peut s’arrêter d’un instant à l’autre nous paralyse d’angoisse. J’essaie d’être positive, de prendre les choses comme elles viennent. Nous aimerions garder tout cela pour nous, mais la famille était au courant de mon projet de voyage et nous ne voulons plus mentir, donc nous serons transparents avec eux. Ils connaissent notre parcours, et je me dis que si ça tourne mal mieux vaut aussi qu’ils soient au courant.

Je pense à vous tous les jours, toutes les heures. J’ai relu plein de blogs que j’avais quittés au moment des annonces. J’espère ne blesser personne avec ces nouvelles mais je sais que ce n’est pas possible, nos parcours sont parfois si difficiles, si douloureux, qu’il n’est souvent pas possible de supporter ce genre de miracle qui n’arrive qu’aux autres. C’était ce que je pensais, je l’ai ressenti tellement de fois…

Aujourd’hui, nous recommençons à attendre, entre espoir et doutes, avec au fond de nous cette folle envie d’y croire…